Des lobbies des mollahs en France ?

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Des lobbies des mollahs en France ?

Ce n’est qu’après la révélation du scandale de l’influence du réseau de lobbying du régime de la République islamique aux plus hauts niveaux politiques et sécuritaires des États-Unis que l’attention des médias s’est à nouveau concentrée sur les forces mandataires du régime de la République islamique. Mais cette fois, ils ne portent pas l’uniforme des miliciens irakiens, syriens ou libanais mais en tant qu’analystes, journalistes et militants politiques ou culturels. Comment le système de sécurité des mollahs a-t-il réussi à garder un vaste réseau d’agents des médias, d’institutions universitaires, culturelles et de groupes de réflexion hors des yeux de l’appareil de sécurité américain, avec beaucoup de patience et au fil des années ? Un réseau qui s’est même étendu jusqu’au niveau d’accès aux informations top-secrètes du Département américain de la Défense et a pu, grâce à lui, influencer le processus de prise de décision politique.

Les conclusions du rapport de recherche du site d’information « Semafor », publié le 29 septembre 2023, qui seront résumées à la fin de ce rapport, ont été un choc dont les répliques ont secoué le Sénat américain pendant plusieurs semaines. Malheureusement, aucun travail similaire n’a encore été mené en Europe, notamment en France, pour identifier les réseaux de la République islamique, les individus, associations et institutions qui font avancer ses lignes.

Dans ce court rapport, qui sera le premier d’une série, nous traiterons d’un nom à titre d’étude de cas : “Chakameh Bozorgmehr”, ancienne employée de la “Maison de la Culture d’Iran” à Paris. C’est-à-dire l’un des principaux centres de l’ambassade du régime iranien pour la propagande idéologique et pour le recrutement des forces et surtout la diabolisation de ses opposants.

Elle vit en France depuis environ deux décennies. Chakameh Bozorgmehri est très active dans l’un des principaux partis politiques français. Dans son CV, elle est présentée comme journaliste iranienne.

Chakameh Bozorgmehr est la fille de Nasser Bozorgmehr, et sans en parler de son père, il n’est pas facile de connaître la profondeur de ses liens avec le régime et de comprendre ses actions ultérieures à l’étranger. Car lorsqu’en octobre 2022, quelqu’un lui a demandé sur Twitter l’affiliation de son père (Nasser Bozorgmehr) et le journal SAMT qu’il dirige, avec le régime au pouvoir, elle a répondu : « SAMT c’est un journal privé et spécialisé en industrie…ce n’est rien à voir avec les médias de l’état… et oui, je suis allé au festival des médias et livre de Téhéran, et alors ?????? Dommage pour vous. »

 

 

Nasser Bozorgmehr est l’un des responsables les plus fidèle du régime et l’un des plus extrémistes. Il a par exemple réagi à la sanction de la chaîne de télévision anglophone du régime Press TV, que l’Union européenne considère comme responsable de la production et de la diffusion d’aveux forcés de détenus lors du soulèvement, soulignant que Press TV a pu apparaître comme une marque pour l’Iran. Là-dessus, il se défend : « Lorsqu’un réseau d’information est sanctionné, cela montre que les médias ont eu de l’influence et du succès, sous la pression et la sensibilité de l’Occident, en particulier des États-Unis. »

Dans son parcours, on voit des postes   très « clés », notamment : ancien directeur général du ministère de la Culture et de l’Orientation islamique de Téhéran. C’est-à-dire l’organisme chargé d’approuver et de censurer presque tous les films et la plupart des publications nationales de la capitale, ainsi qu’une grande partie des livres iraniens. Avant cela, il était secrétaire de presse adjoint du ministère de la Culture et de l’Orientation islamique à Téhéran, ce qui signifie la responsabilité directe de la censure, ainsi que le traitement et l’avertissement des journaux nationaux ainsi que des professionnels des médias étrangers.

Bozorgmehr a été directeur    général de nombreux bureaux de relations publiques du régime. Entre autres, le 11 mai 2016, il a reçu un prix spécial des mains d’Ali Shamkhani, Shamkhani est l’un des anciens commandants des Gardiens de la Révolution, ancien ministre de la Défense puis chef du Conseil suprême de sécurité nationale du régime. C’est lui qui participe à la répression du peuple iranien. Dans tous les actes terroristes du régime à l’étranger, il a un rôle privilégié. De plus, dans un pays où personne, à l’exception des éléments de confiance du régime, n’a la possibilité et l’autorisation de bénéficier du privilège d’un journal national, et où les permis de publication sont révoqués pour le moindre prétexte ; un pays, considéré comme l’une des plus grandes prisons pour les journalistes, être titulaire du privilège et également directeur responsable de plus d’une publication, soit 9 journaux nationaux est certainement un privilège: Journal SAMT, ère économique (Rouzghare Eghtesad), notre époque ( Rouzghare Ma), expansion commerciale (Ghostaresh Sanat), ère minière (Rouzghare Maadan), industrie minière ( Ghostareshe Sanate Maaden) et expansion commerciale, ère automobile ( Rouzeghare Khodro).

Le dénominateur commun de tous ces journaux est qu’ils sont commerciaux et lucratifs, des journaux dont le contenu est du reportage publicitaire ou de l’information publicitaire et qui sont connus en raison de leur proximité avec le régime ou les services politiques et de sécurité. Nous ne citerons ici qu’un exemple bruyant de cette recherche de rente :

Lorsque Nasser Bozorgmehr était conseiller de Mohammadreza Nematzadeh, Ministre de l’Industrie, du Commerce et des Mines du régime, ce ministère publiait des journaux appelés “Gostaresh Jahan Sanat”. Soudainement, le 3 mai 2015, ce journal, avec tous ses biens, a été remis à un établissement privé nouvellement créé appelé Samt, dont les actionnaires étaient six des conseillers et directeurs généraux de ce ministère, dont Nasser Bozorgmehr, sans aucune explication. Plus tard, lorsque les concurrents de ce journal, dont le journal Jahan Sanat, ont publié les lettres de ces conseillers et directeurs généraux aux branches économiques et industrielles du gouvernement, les obligeant à confier leurs annonces à ce journal, un grand scandale est survenu, à cause du montant incroyable des profits réalisés par ce journal en réseau, étant donné la part de 84 % du gouvernement dans l’économie iranienne. Un journal rival nommé «Jahan Sanat »  a abordé cette question le 4 décembre 2017 sous le titre “Du transfert ambigu du journal SAMT aux gros contrats ». Finalement, après plusieurs années, afin de répondre aux objections des concurrents, Nasser Bozorgmehr a été démis de ses fonctions de conseiller du Ministre de l’Industrie le 22 février 2018.

En outre, les journaux appartenant à Bozorgmehr comptent parmi les bénéficiaires des subventions gouvernementales les plus importantes en Iran. Par exemple, en se référant simplement au tableau de paiement des subventions gouvernementales en 2016-2017, on peut voir que le journal de Bozorgmehr (SAMT) a reçu 364 000 dollars de subventions, tandis que même le journal Jawan, affilié au Corps des Gardiens de la révolution islamique, n’a reçu que 228 000 dollars la même année.  La fille de son père se dit journaliste en travaillant dans ces journaux familiaux. L’expérience journalistique de Chakameh Bozorghmehr consiste à superviser la réception et l’impression des publicités et à recevoir des commissions dans les journaux de son père.

Plus tard, elle fut l’un des milliers d’enfants de hauts fonctionnaires   du pays venus à l’étranger, parce que leurs parents ont tenu leurs enfants à l’écart de l’enfer qu’ils ont construit et géré. Le poste de Chakameh était déjà réservé. Elle devient employée de l’ambassade de la République islamique à Paris. Sa tâche à la Maison de la Culture du régime était d’organiser les fêtes religieuses et les événements politiques du régime et de monter diverses expositions. La « Maison de la culture iranienne » est affiliée au cabinet de conseil culturel de l’ambassade du régime en France, qui opère sous la supervision de « l’Organisation de propagande islamique» des mollahs. Chakameh écrit sur le site Gooya News : « Depuis septembre 2002, la Maison de la culture iranienne s’efforce de faire venir à Paris des chanteurs, des artistes et des professeurs pour présenter la culture et la civilisation iraniennes. » Chakameh (en raison de l’influence de son père) a écrit dans divers médias en langue persane sur les diverses activités de la Maison iranienne de la culture.

Chakameh dit qu’elle a ensuite démissionné de l’ambassade du régime et on ne sait pas grand-chose de ce qu’elle faisait pendant cette période, mais pendant les huit années de la présidence de Hassan Rohani (2013-2021), où son père a également occupé des postes élevés, elle a été active dans lobbying pour le régime en France.

Lors du soulèvement de 2022, alors que l’intégrité du régime était ébranlée et contraint de mobiliser ses lobbies étrangers pour s’en prendre à l’image de l’opposition, notamment des Moudjahidine du peuple, Chakameh est revenu sur scène pour conseiller aux députés français de se tenir à l’écart du Conseil national de la Résistance iranienne (CNRI) et le plan en 10 points de Maryam Radjavi, sa présidente élue. Elle s’en prend particulièrement aux parlementaires qui soutiennent la résistance iranienne sur Twitter.

Elle s’est adressée au député Benoît Bordat : « votre soutien à ce groupe (OMPI) est dangereux pour l’image de la diplomatie française et notre Président Emmanuel Macron, » lui demandant de retirer son soutien à la Résistance iranienne, fer de lance du soulèvement populaire.

Chakameh Bozorgmehr   ainsi décrit l’opposition la plus organisée en Iran, qui bénéficie d’un large soutien de parlementaires en Europe et en Amérique, comme « groupe dangereux ». Qui d’autre que le régime en place bénéficie de ce genre d’attaque au principal ennemi des Ayatollahs ? L’objectif : mettre des bâtons dans les roues du mouvement d’opposition qui appelle au renversement du régime au pouvoir en Iran

 

Il convient de revenir sur le rapport Semafor et de réfléchir un peu à des scénarios similaires en France. Le rapport de recherche du site d’information Semafor, publié le 29 septembre 2023, indique que le régime iranien a tenté d’étendre son influence dans les centres politiques occidentaux en formant un réseau de soi-disant « experts iraniens » depuis 2014.

Dans ce rapport, certains Iraniens nommés Arian Tabatabai (qui travaillait au Département d’État américain et occupe aujourd’hui un haut poste au Département de la Défense de ce pays), Ali Waez et Dina Esfandiari de l‘International Crisis Group, Adnan Tabatabai en Allemagne et Rouzbeh Parsi sont mis en lumière pour leur lobbying au profit du régime des mollahs.

Selon le rapport de Semafor, en se rapprochant des partis et personnalités européens et américains, des parlements et des gouvernements, ces individus se présentent comme des « analystes indépendants » lors d’entretiens avec les médias ou en participant à des conférences.

Ils prétendent défendre les intérêts de l’Occident, mais ils font avancer les lignes de politique étrangère du régime au pouvoir en Iran. Ils tentent d’inculquer l’idée que l’intérêt de l’Occident est d’accepter le régime tel qu’il est, que tout changement de régime entraînera une aggravation de la situation, et que ce régime n’a pas d’alternative, et même s’il y avait d’alternative, elle serait pire que le régime lui-même.

Ils s’attaquent notamment, et sans répit, la principale opposition iranienne c’est-à-dire le Conseil national de la Résistance (CNRI) et sa principale composante, l’Organisation des Moudjahédines du Peuple (OMPI).

Le rapport de Semafor ne s’appuie que sur une partie des courriels échangés entre des hauts responsables des affaires étrangères du régime des mollahs (et ses lobbystes à l’étranger) récemment découverts. Il est clair que les efforts du régime pour diffuser de fausses informations et déformer les politiques occidentales sont bien plus vastes.

 

 

 

 

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